Tour de Belgique

3 jours pour longer les frontières de ce pays

Distance
1125 kms
Date
mars 2025

En solitaire

Trois jours, 1125 kilomètres, 7000 mètres de dénivelé. Seul, face au vent, au froid, et surtout à moi-même. Je suis allé chercher mes limites – et j’ai découvert qu’elles étaient bien plus loin que ce que je croyais.

Prologue – Tracer une ligne sur la carte, et tout remettre en question

La Belgique est mon pays d’adoption depuis mes 11 ans. Il fait partie de moi, de mon histoire, de mes racines choisies. Un jour, j’ai eu envie de dessiner une boucle autour de ses frontières. Une ligne claire, presque absurde. Une trace à suivre, au métre près.

Mais ce que je cherchais à tracer, ce n’était pas une ligne sur une carte. C'était une ligne à l’intérieur. Une frontière invisible entre ce que je crois être capable de faire, et ce que je suis réellement capable d’endurer.

C'était aussi une façon de m’entraîner. De me mettre en condition pour la Race Across. Mais surtout, de me retrouver seul, confronté à l’effort pur et long.

Jour 1 – Le départ. L’envie dans les jambes

Il est 5h du matin, vendredi 21 mars. Je mémorise le moment où je clique sur « Start » sur mon compteur.

Je suis seul. Il fait encore noir. Mon vélo est prêt : un Tarmac SL7, une sacoche Cyclite bien fixée, une trace GPS établie à partir de celle de Julien Duflot, qui a fait ce parcours avant moi. Les frontières belges m’attendent.

Les premiers tours de pédales sont fluides. La fraîcheur matinale me réveille doucement. Les oiseaux chantent. J’avance.

Les kilomètres s’enchaînent rapidement. J’essaie de profiter du moment présent autant que possible, car je sais que chaque minute sera différente, que tout peut basculer à tout instant. Dans l’ultra, dix minutes peuvent tout changer.

Arrivé dans les Ardennes, les descentes me plongent dans des vallées isolées. Dans une cuvette, sans réseau, une pensée me frappe : si quelque chose m’arrive ici, je suis seul. Et il faudra compter sur moi seul.

Je continue. Au compteur : 387 km. J’arrive chez un hôte WarmShowers. L’accueil est chaleureux, bienveillant. Une douche, un repas, quelques heures de sommeil dans un vrai lit. Demain, tout recommence.

Jour 2 – Le mur mental

5h. Je remonte sur le vélo. Il fait sombre, il pleut, et le vent souffle. La température est correcte, mais la sensation est glaciale. Très vite, tout est douloureux : les jambes, la nuque, les genoux.

Aujourd’hui, 367 km m’attendent. Et chaque coup de pédale est une négociation mentale. Pourquoi continuer ? Pourquoi s’infliger ça ? Mon cerveau me souffle des excuses. Il me propose des trains. Des raccourcis. Des fins anticipées.

Mais je sais désormais que ces voix-là ne sont pas lâches. Elles sont protectrices. Le cerveau veut me protéger, pas que je me dépasse. C'est à moi de décider.

Alors je me parle à voix haute. Je pleure. Je rigole. Je hurle parfois. Le corps souffre, l’esprit lutte. Mais j’avance.

Puis, la météo bascule. Le vent devient favorable. Le soleil perce. Et tout change.

Les pistes cyclables du nord sont un régal. Je me laisse porter. J’arrive chez Chris et Marc, mes hôtes du soir. Je suis cuit. Il me demande combien de kilomètres j’ai fait. Je leur réponds 370km. Il pense avoir mal compris.

Douche. Repas. Lit. Repos. Quelques heures de sommeil réparatrices.

Jour 3 – Finir debout, même en morceaux

Le départ est le même. Mais mon corps ne l’est plus. Chaque articulation proteste. Mes fesses ne supportent plus la selle. Ce qui me pousse à rouler les 180 derniers kilomètres en danseuse.

Le vent souffle. La fatigue est immense. Mais la volonté est plus forte.

Je pense à ceux qui me suivent via le groupe WhatsApp. Leurs messages me tiennent debout. Leur soutien est une énergie pure.

Je passe devant des lieux que je connais. Des routes que j’ai déjà prises lors d'entraînements. Des souvenirs remontent. Ils me font du bien.

Les derniers instants sont les plus durs. Je pleure. Je crie. Mais je continue.

Et puis, enfin, la fin. Je boucle la boucle. 1125 km. 63 heures. 40h sur le vélo. La tête vide. Le cœur rempli.

Épilogue – Ce qu’il reste

Deux jours de repos. Le corps brisé. L’esprit éveillé. Je ressens un vide, mais aussi une gratitude immense.

Ce genre de voyage ne s’oublie pas. Il s’inscrit en soi. Comme une mémoire musculaire de l'âme.

On ne repousse pas les limites. On apprend juste où elles sont. Et parfois, on découvre qu’elles sont bien plus loin que ce qu’on croyait.

Données clés :

  • 1125 km en 63 heures (porte à porte)
  • 40h de vélo
  • 7000 m D+
  • 29 000 calories brûlées
  • 3 jours : 387 km / 367 km / 372 km
  • 1 crevaison